Les grands noms de la danse contemporaine
Boris Charmatz
Boris Charmatz, né en 1973 à Chambéry, est une figure majeure de la danse contemporaine, reconnue pour son approche audacieuse et expérimentale. Formé à l’École de danse de l’Opéra de Paris et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, il s’impose dès 1993 avec A bras-le-corps, un duo marquant cosigné avec Dimitri Chamblas. Sa carrière se distingue par une exploration constante des limites de la danse contemporaine, mêlant création, répertoire et réflexion théorique.
De 2009 à 2018, il dirige le Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, où il fonde le Musée de la danse. Cet espace expérimental redéfinit les rapports entre public, art et territoire en articulant création et transmission. En parallèle, il conçoit des œuvres emblématiques comme Levée des conflits (2010) ou 10000 gestes (2017), tout en collaborant avec des artistes tels qu’Anne Teresa De Keersmaeker et Tino Sehgal. Son travail interroge le rôle du corps dans des contextes variés, souvent en dehors des cadres traditionnels de la danse contemporaine.
En 2019, il lance Terrain, une structure nomade dédiée à la création chorégraphique dans l’espace public. Puis, en 2022, il prend la direction du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, où il initie des projets mêlant son propre répertoire à celui de Pina Bausch. Parmi ses réalisations récentes figurent Liberté Cathédrale (2023), saluée comme « Production de l’année » par le magazine allemand TANZ, et CERCLES (2024), présenté au Festival d’Avignon.
Auteur de différents ouvrages tels, Boris Charmatz explore aussi les possibilités filmiques de la danse avec des œuvres comme TRANSEPT (2023). Son parcours reflète une quête incessante pour réinventer les formes et les lieux où la danse contemporaine peut s’exprimer, tout en engageant profondément le spectateur dans cette expérience artistique unique
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj, né en 1957 à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne) de parents albanais, est l’un des danseurs et chorégraphes les plus influents de la danse contemporaine en France et à l’international. Il débute sa formation en danse classique avant de se tourner vers la danse contemporaine sous l’influence de Karin Waehner, une figure importante de ce courant. Passionné par l’exploration des possibilités du mouvement, il part à New York dans les années 1980 pour approfondir ses connaissances auprès de grands noms comme Merce Cunningham. De retour en France, il collabore avec Dominique Bagouet, autre figure majeure de la danse contemporaine, avant de fonder sa propre compagnie en 1984.
Le Ballet Preljocaj, devenu en 1996 une compagnie nationale, s’installe au Pavillon Noir d’Aix-en-Provence en 2006, un lieu entièrement dédié à la création et à la diffusion chorégraphique. Avec plus de 60 œuvres à son actif, Angelin Preljocaj a su marquer durablement le paysage artistique. Son style mêle abstraction et narration, tout en s’inspirant des grands ballets classiques qu’il revisite avec une esthétique contemporaine. Parmi ses créations les plus célèbres figurent Le Parc (1994), Blanche Neige (2008), MC 14/22 (2001) ou encore Helikopter (2001). Certaines de ses œuvres intègrent le répertoire de prestigieux ensembles comme le Ballet de l’Opéra de Paris ou le New York City Ballet.
Preljocaj est également reconnu pour ses collaborations artistiques variées, travaillant avec des musiciens comme Karlheinz Stockhausen ou Laurent Garnier, des créateurs de mode comme Jean-Paul Gaultier et des plasticiens comme Subodh Gupta. Il explore aussi les nouvelles technologies et le rapport entre le corps et l’image dans ses chorégraphies.
Récompensé par de nombreux prix, dont le Grand Prix national de la danse et la Légion d’honneur, il s’adresse aussi au grand public grâce à des projets comme L’Envol, un film publicitaire pour Air France. Toujours prolifique, il revisite régulièrement des œuvres iconiques comme Le Lac des cygnes (2021), affirmant son rôle central dans l’évolution de la danse contemporaine.
Ohad Naharin
Ohad Naharin, né en 1952 dans le kibboutz de Mizra, au nord d’Israël, est issu d’une famille artistique, avec une mère danseuse et praticienne de la méthode Feldenkrais et un père acteur et psychothérapeute. Il grandit dans un environnement propice à la créativité. Pourtant, ce n’est qu’à l’âge de 22 ans, après son service militaire durant la guerre du Kippour, qu’il commence sa formation en danse au sein de la Batsheva Dance Company.
Remarqué par Martha Graham lors de sa première année dans cette compagnie, il est invité à rejoindre son école à New York. Il poursuit ensuite sa formation à la Juilliard School et au School of American Ballet. En 1980, il crée sa première chorégraphie, Haru No Umi, au studio Kazuko Hirabayashi à New York. Cette œuvre marque le début d’une carrière prolifique dans le domaine de la danse contemporaine.
En 1990, Ohad Naharin devient directeur artistique de la Batsheva Dance Company. Sous sa direction, la compagnie acquiert une renommée internationale grâce à son style innovant et audacieux. Il développe également Gaga, une méthode unique de mouvement qui révolutionne l’approche de la danse contemporaine. Cette technique met l’accent sur l’exploration sensorielle et l’improvisation, libérant les danseurs des contraintes traditionnelles.
Ses chorégraphies sont présentées sur les scènes les plus prestigieuses du monde, notamment au Nederlands Dans Theater, à l’Opéra de Paris ou encore au Théâtre National de Chaillot. Parmi ses œuvres marquantes figurent Deca Dance et Virus, qui témoignent de son langage chorégraphique singulier.
Marié à Eri Nakamura, danseuse et costumière, Ohad Naharin vit aujourd’hui en Israël avec leur fille. Son héritage dans la danse contemporaine est immortalisé dans le documentaire Mr. Gaga (2015), qui retrace son parcours artistique et personnel. Innovateur infatigable, il continue d’inspirer des générations de danseurs et chorégraphes à travers le monde.
Alvin Ailey
Alvin Ailey (1931-1989) est un personnage légendaire de la danse moderne et contemporaine, ayant profondément marqué la scène artistique américaine et internationale. Né au Texas dans un contexte de ségrégation raciale, il découvre la danse à 12 ans en assistant à un spectacle des Ballets Russes de Monte-Carlo. Formé par Lester Horton, dont il reprend la compagnie après la mort de ce dernier, Ailey enrichit son style auprès de figures comme Martha Graham et Katherine Dunham. En 1958, il fonde l’Alvin Ailey American Dance Theater, une compagnie révolutionnaire dédiée à la célébration de la culture afro-américaine et à l’enrichissement de la danse contemporaine.
Ailey se distingue par sa capacité à fusionner des styles variés : danse moderne, classique, africaine et jazz. Sa pièce emblématique Revelations (1960) puise dans les spirituals et le gospel pour raconter l’histoire de la résilience des Afro-Américains. Ce ballet est devenu un manifeste culturel et un trésor du répertoire mondial. A travers ses créations, Ailey a exploré les thèmes de l’identité, de l’oppression et de l’espoir avec une intensité émotionnelle unique.
Visionnaire, il a également œuvré pour démocratiser l’accès à la danse contemporaine en organisant des tournées internationales et en mettant en place des programmes éducatifs destinés aux communautés défavorisées. Sa compagnie multiraciale a transcendé les barrières culturelles, devenant un symbole d’inclusion et d’excellence artistique. Jusqu’à sa mort en 1989, Alvin Ailey a créé 79 ballets et reçu de nombreuses distinctions pour son apport exceptionnel à la culture américaine.
Aujourd’hui encore, l’Alvin Ailey American Dance Theater perpétue son héritage en interprétant ses œuvres tout en intégrant des créations contemporaines, témoignant de l’impact durable de ce chorégraphe visionnaire.
Maurice Béjart
Maurice Béjart (1927-2007), de son vrai nom Maurice-Jean Berger, grandit dans un milieu marqué par la philosophie. Fasciné très jeune par un récital de Serge Lifar, il décide de consacrer sa vie à la danse. Il débute comme danseur en 1946, d’abord au sein d’un ballet à Vichy, puis avec des compagnies à Paris, et plus tard en Suède, au Royaume-Uni… C’est lors de ces expériences que Béjart découvre le potentiel expressif propre à la danse, au-delà de la simple virtuosité.
Dès le milieu des années 1950, il s’oriente vers la chorégraphie. En 1954, il fonde sa première compagnie, les Ballets de l’Étoile, avec laquelle il crée notamment « Symphonie pour un homme seul », une œuvre audacieuse mêlant musique contemporaine et mouvement, un signal fort de son désir d’explorer de nouveaux espaces pour la danse. Mais c’est en 1960, avec la création Ballet du XXe Siècle à Bruxelles, que Béjart prend toute son envergure internationale. Pendant près de trois décennies, il dirige cette compagnie, qui parcourra le monde entier et présentera des ballets devenus légendaires : Boléro (1961), Le Sacre du printemps, Messe pour le temps présent (1967), L’Oiseau de feu (1970)…
Béjart mêlait dans ses spectacles la danse, la musique (classique, contemporaine, musiques plus modernes), le théâtre, parfois des dimensions spirituelles ou culturelles fortes. Il rompait volontairement avec l’idée d’un ballet réservé à l’élite, et cherchait à rendre la danse accessible, émotionnelle, universelle.
Pour transmettre et former des générations de danseurs et chorégraphes, il crée en 1970 l’école Mudra School à Bruxelles, puis plus tard une école-atelier à Lausanne, après le déménagement de sa compagnie en 1987 vers la Suisse, sous le nom Béjart Ballet Lausanne.
Béjart voyait la danse non comme un simple spectacle, mais comme un langage vivant, un moyen d’émotion, de pensée, de questions. Dans ce sens, même si son origine est plus proche du ballet néoclassique ou moderne, son œuvre a profondément nourri la danse contemporaine en brisant les barrières, en élargissant les publics, en encourageant la liberté créatrice.
Marie-Claude Pietragalla
Marie-Claude Pietragalla, née en 1963 à Paris, est une figure emblématique de la danse française. Formée à l’École de danse de l’Opéra de Paris dès l’âge de 9 ans, elle intègre le corps de ballet à 16 ans et gravit rapidement les échelons. En 1990, elle est nommée danseuse étoile sous la direction de Rudolf Noureev après une performance remarquable dans Don Quichotte. Pendant près d’une décennie, elle interprète les grands rôles du répertoire classique tout en collaborant avec des chorégraphes contemporains tels que Maurice Béjart et Carolyn Carlson.
En 1998, elle quitte l’Opéra pour diriger le Ballet National de Marseille, où elle amorce un tournant artistique vers la danse contemporaine. Sa direction est marquée par des choix audacieux et parfois controversés, mais elle y développe une vision personnelle qui mêle tradition et modernité. En 2004, avec Julien Derouault, elle fonde le Théâtre du Corps, une compagnie qui explore la théâtralité du mouvement et propose des créations mêlant danse classique, contemporaine et influences modernes comme le hip-hop. Parmi leurs œuvres marquantes figurent Marco Polo, Giselle(s) et La Femme qui Danse.
Pietragalla se distingue par une approche éclectique où la danse devient un art total, intégrant théâtre, vidéo et musique pour toucher un large public. Elle a également contribué à populariser la danse contemporaine en participant à des projets médiatiques comme son rôle de jurée dans Danse avec les stars. Avec plus de 40 ans de carrière, elle continue d’innover tout en transmettant son savoir à travers des créations et une école dédiée à former la nouvelle génération d’artistes. Sa démarche artistique reste ancrée dans une quête d’humanité et d’émotion universelle.
Carolyn Carlson
Carolyn Carlson, née en 1943 à Oakland en Californie, est une figure majeure de la danse contemporaine, ayant marqué profondément ce domaine en Europe. Formée au San Francisco Ballet et à l’université de l’Utah, elle s’imprègne des enseignements d’Alwin Nikolais, dont elle devient une interprète emblématique dans les années 1960. En 1971, elle quitte les États-Unis pour développer son propre langage chorégraphique, qu’elle qualifie de « poésie visuelle », mêlant philosophie, spiritualité et fluidité du mouvement.
Arrivée en France, elle révolutionne la danse contemporaine française en fondant le Groupe de Recherche Théâtrale de l’Opéra de Paris en 1974. Elle poursuit ensuite sa carrière en Italie, dirigeant le Teatrodanza La Fenice à Venise. Son style unique, nourri par des influences zen et un profond lien avec la nature, s’exprime dans des œuvres emblématiques comme Density 21.5, Blue Lady ou encore Signes. Elle a créé plus d’une centaine de pièces et collaboré avec des artistes tels que René Aubry et Olivier Debré.
Outre son rôle de chorégraphe, Carlson a été une pédagogue influente et une ambassadrice de la danse contemporaine à travers l’Europe. Fondatrice de l’Atelier de Paris en 1999, elle a également dirigé le Centre Chorégraphique National de Roubaix et a reçu le premier Lion d’Or pour un chorégraphe à la Biennale de Venise en 2006. En parallèle, elle s’est consacrée à l’écriture poétique et à la calligraphie.
Aujourd’hui naturalisée française, Carolyn Carlson continue d’inspirer par son approche visionnaire et son engagement pour la transmission artistique. Sa carrière incarne une quête incessante d’un art total où la danse contemporaine devient un langage universel empreint d’émotion et d’humanité
Martha Graham
Martha Graham (1894-1991), personnalité marquante de la danse contemporaine, est née en Pennsylvanie dans une famille cultivée, son père étant médecin aliéniste. En 1908, sa famille s’installe en Californie, où elle découvre la danse en assistant à une performance de Ruth Saint Denis. Cette révélation l’amène à étudier à la Denishawn School dès 1916, où elle se forme auprès de pionniers de la danse moderne. En 1920, elle obtient son premier grand rôle dans Xochitl, une œuvre marquant le début de sa carrière.
En 1926, Graham fonde sa propre compagnie, la Martha Graham Dance Company, qui deviendra un pilier de la danse contemporaine. Initialement composée uniquement de femmes, la troupe s’ouvre aux hommes en 1938 avec l’arrivée d’Erick Hawkins, qui deviendra son époux. Parmi ses élèves figurent des artistes majeurs comme Merce Cunningham et Paul Taylor, qui deviendront eux-mêmes des figures centrales de la danse moderne.
Martha Graham révolutionne l’art chorégraphique avec une technique novatrice basée sur la respiration, la contraction et la détente du corps. Ses œuvres explorent des thèmes profonds mêlant mythologie, psychanalyse et expression des émotions humaines. Parmi ses créations les plus célèbres figurent Lamentation (1930), Cave of the Heart (1946) et The Rite of Spring (1984). Son style unique reflète l’avant-garde artistique de son époque et redéfinit les codes de la danse contemporaine.
Au fil de sa carrière, Graham reçoit de nombreuses distinctions, dont le premier American Dance Festival Award en 1981. En 1998, le magazine Time la désigne comme « la danseuse du siècle ». Bien qu’elle ait cessé de danser en 1969 à l’âge de 75 ans, elle continue à superviser les tournées internationales de sa troupe jusqu’à un âge avancé.
Martha Graham laisse un héritage immense. Sa vision audacieuse et son langage chorégraphique unique ont profondément marqué l’histoire de la danse contemporaine et continuent d’inspirer des générations d’artistes.
Pina Bausch
Pina Bausch, née Philippina Bausch le 27 juillet 1940 à Solingen en Allemagne, est une figure influente de la danse contemporaine. Elle a grandi dans le café-restaurant de ses parents, où elle a développé son talent d’observation des comportements humains. Cette expérience a profondément influencé son approche artistique future.
Sa formation en danse a débuté à l’âge de 15 ans à la prestigieuse Folkwang-Hochschule d’Essen, sous la tutelle du célèbre chorégraphe Kurt Jooss. En 1958, Bausch obtient une bourse pour étudier à la Juilliard School de New York, où elle parfait sa technique de 1959 à 1961. Cette période américaine a considérablement enrichi sa vision artistique et son style chorégraphique.
De retour en Allemagne en 1962, Bausch devient soliste du Folkwang-Ballett et assiste Jooss dans ses créations. Sa carrière de chorégraphe démarre véritablement en 1968, et elle prend la direction du Folkwang Ballet en 1969. L’année 1973 marque un tournant décisif dans sa carrière lorsqu’elle est invitée à diriger la compagnie de danse de Wuppertal.
C’est à Wuppertal que Bausch développe son style unique, fusionnant danse contemporaine et théâtre pour créer le concept de « danse-théâtre ». Cette approche novatrice a révolutionné le monde de la danse contemporaine, repoussant les limites de l’expression corporelle et émotionnelle. Ses œuvres, caractérisées par leur intensité et leur exploration des relations humaines, ont profondément marqué le paysage artistique du 20e siècle.
Tout au long de sa carrière, Bausch a créé de nombreuses pièces emblématiques telles que « Le Sacre du Printemps » (1975), « Café Müller » (1978) et « Kontakthof » (1978). Son influence sur la danse contemporaine s’est étendue bien au-delà de l’Allemagne, inspirant des générations d’artistes à travers le monde. Pina Bausch est décédée le 30 juin 2009 à Wuppertal, laissant derrière elle un héritage artistique inestimable. Son approche révolutionnaire de la danse contemporaine continue d’influencer et d’inspirer les artistes du monde entier, faisant d’elle une figure incontournable de l’histoire de la danse.