Salsa cubaine (casino)

Histoire et évolutions de la salsa cubaine

Le terme « casino » désigne à l’origine les clubs de danse branchés de La Havane dans les années 1950. C’est dans ces casinos (Casino La Playa, Casino Deportivo, etc…) qu’une nouvelle manière de danser le Son et le Mambo voit le jour. Les danseurs innovent en dansant sur le temps fort plutôt qu’en contre-temps, donnant un relief particulier à chaque mesure.

Le Son et le Mambo venaient d’un héritage très marqué par les traditions rurales et afro-cubaines. Les danseurs urbains voulaient les rendre plus modernes, plus élégants, adaptés à la vie citadine et à la scène sociale sophistiquée des casinos. De plus, les orchestres comme Arsenio Rodríguez, puis Enrique Jorrín (précurseur du cha-cha-cha), introduisent plus de syncopes, des cuivres explosifs, des montées rythmiques inspirées du jazz. Danser sur le temps fort plutôt qu’en contre-temps permettait mieux de suivre cette énergie nouvelle.

Le pas de base se compose ainsi : l’homme avance son pied gauche au premier temps, repose le pied, revient au centre au troisième temps et marque une pause sur le quatrième. Puis il fait un pas arrière avec le pied droit au temps cinq, repose, revient et marque une pause sur le huit. La femme fait l’inverse (recule d’abord, avance ensuite). Ce balancement, rythmé et naturel, devient la signature du Casino. Les danseurs de casino intègrent également des figures nouvelles inspirées de la rumba et du folklore urbain. On voit apparaître des mouvements appelés « dile que sí » (où l’homme passe derrière la femme en pas chassé latéral), le « vacilala » (où l’homme passe entre les jambes de la femme ou l’inverse), le « setenta », le « paso de casino » ou « casino step » lui-même (un pas chassé chanté).

Au tournant des années 1990, la salsa connaît un véritable « boom » mondial. Les écoles de danse latine se multiplient en Europe et en Amérique, et la salsa cubaine est redécouverte comme style à part entière. Des professeurs cubains sont invités dans des festivals internationaux, et des tournées mondiales s’organisent. A Cuba même, la musique salsa (traditionnelle ou timba moderne) regagne en visibilité via des albums à succès. Le style « casino » est alors fermement établi comme l’une des danses emblématiques de Cuba.

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Caractéristiques du style Casino

La salsa cubaine, telle qu’on la danse en couple, se reconnaît avant tout par son mouvement circulaire. Contrairement aux styles en ligne, où les partenaires se déplacent sur un axe rectiligne, le Casino joue avec l’espace autour d’un centre commun : les danseurs tournent l’un autour de l’autre, se rapprochent, se séparent puis se retrouvent dans une spirale continue. Cette circularité donne une danse très fluide, vivante, où rien ne semble figé. Le couple voyage constamment, sans jamais rester sur place.

Le pas de base le plus courant s’appelle le guapea. Il contient un léger mouvement d’aller-retour qui impulse une dynamique naturelle : on avance puis on recule en suivant le rythme. Ce rebond subtil, que l’on sent dans les jambes et dans l’ancrage au sol, distingue nettement le Casino des styles plus « suspendus ». Le corps y est toujours connecté au sol, avec une présence des hanches héritée de la rumba et des danses afro-cubaines. Les danseurs relâchent les épaules, la cage thoracique reste mobile, et la poitrine légèrement projetée vers l’avant apporte une attitude pleine d’assurance et de convivialité. Le rythme, suit généralement un comptage en On1, avec une suspension perceptible aux temps 4 et 8. Cette micro-pause donne au Casino son rebond typique, une élasticité du mouvement qui laisse respirer les corps. On ne danse jamais en force ou en vitesse pure : même lorsque la musique s’emballe, la danse reste souple, terrienne et chaleureuse.

Dans cette danse salsa, la connexion entre les partenaires est très caractéristique : elle passe fortement par les mains et les bras. Les danseurs se tiennent souvent mains basses, proches du centre du corps, ce qui permet de guider par des rotations de poignets, de petites pressions, des changements de niveaux des bras. Les bras s’enroulent, se croisent et se déroulent autour du corps du partenaire dans des mouvements fluides et parfois taquins. L’esthétique du Casino est très riche dans cette gestuelle : elle combine jeu, technicité et créativité.

Le guidage est précis mais léger. Il ne s’agit pas de forcer, mais de proposer une direction que l’autre partenaire ressent et interprète. Cela laisse beaucoup de place à l’improvisation, surtout pour la danseuse, qui peut ponctuer les enchaînements par de petites variations du buste, des jeux de tête ou de bassin, en écho à la musique. La dimension ludique est essentielle : le Casino n’est pas une danse strictement démonstrative, mais une conversation rythmée pleine de clins d’œil. Les partenaires interagissent, jouent, parfois s’esquivent comme dans un jeu de séduction inspiré des danses traditionnelles cubaines.
Le style corporel reste très expressif. Les mouvements ne cherchent pas la rectitude parfaite, mais plutôt la saveur : quand la musique se charge de percussions afro-cubaines, les danseurs peuvent ajouter des ondulations ou des accents inspirés de la rumba ; lorsque les cuivres s’élèvent dans un passage plus mambo, la danse devient plus verticale et énergique. Cette capacité à adapter la danse à la musique, à goûter chaque nuance rythmique, est l’une des signatures du Casino.

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Arrivée en France de la salsa cubaine

En France, la salsa cubaine commence à se diffuser au début des années 1990. De nombreux professeurs cubains, fuyant les difficultés économiques de leur île, s’installent en Europe pour enseigner danse et musique latines. Ce sont ces exilés cubains qui introduisent véritablement le style casino en France, en animant cours, stages et spectacles. Parallèlement, des musiciens latinos (dont des Cubains) se produisent dans les clubs et festivals européens, participant à l’engouement pour la musique cubaine. La diffusion des disques et le tourisme à Cuba font également découvrir aux Français cette danse énergique.

Le style cubain est l’un des premiers à s’implanter dans les structures de danse françaises, en parallèle de la vague portoricaine. Dès le milieu des années 1990, des écoles de danse et associations proposent des cours de salsa cubaine dans la plupart des grandes villes (Paris, Lyon, Toulouse, Marseille, Montpellier…). Les professeurs, souvent formés à Cuba, initient les élèves aux pas fondamentaux (guapea, enchufla, dile que sí, etc…). Beaucoup d’élèves parviennent rapidement à exécuter les figures de base ainsi que leurs premières variations.
Avec le temps, la salsa cubaine devient un élément incontournable du paysage des danses latines en France. De nombreuses associations organisent des ateliers hebdomadaires de salsa cubaine, et plusieurs écoles recrutent des professeurs cubains pour garder l’authenticité du style. En soirée, la formation spontanée d’une grande roue de danseurs sur la piste n’est pas rare. La salsa cubaine fait désormais partie intégrante du paysage culturel français, au même titre que le rock ou les danses de salon.

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Popularité en France et à l’international

Aujourd’hui, la salsa cubaine est extrêmement populaire en France. Elle fait partie des danses latines phares enseignées dans les clubs et associations du pays. Dans les grandes agglomérations, on compte des centaines de cours de salsa cubaine par semaine. Chaque année, de nombreux festivals et congrès de salsa se tiennent en France, attirant des danseurs venus de toute l’Europe.

Ecoles et clubs : de nombreuses écoles proposent des cours de salsa cubaine, du niveau débutant au confirmé.
Soirées hebdomadaires : dans les bars et clubs latinos, il est courant de danser la salsa cubaine.
Festivals et congrès : événements nationaux et régionaux (Paris, Orange, Toulouse, Lyon, etc.) où la salsa cubaine est mise à l’honneur.
Médias et Internet : la salsa cubaine est présente dans les vidéos en ligne, tutoriels et émissions spécialisées, amplifiant son rayonnement et facilitant son apprentissage.

Cette popularité dépasse d’ailleurs les frontières françaises. En Europe, la salsa cubaine est dansée massivement en Espagne, en Italie, en Allemagne et dans les pays scandinaves. Des festivals internationaux (Congrès Salsabor à Barcelone, Palermo Salsa Congress en Italie, etc.) témoignent de cet engouement. Hors d’Europe, on trouve des écoles et festivals de salsa cubaine aux États-Unis (Miami, New York), en Amérique latine (Colombie, Brésil), ainsi qu’en Asie (Japon, Chine). La danse se mondialise grâce à Internet : des tutoriels vidéo et des communautés en ligne facilitent l’apprentissage partout dans le monde. On trouve ainsi des écoles de salsa cubaine aux quatre coins du globe, signe de l’universalité de ce style.
La salsa cubaine est aujourd’hui un phénomène intergénérationnel en France. Dans les écoles de danse, un niveau « salsa cubaine débutant » initie les novices aux pas de base avant qu’ils ne progressent. L’esprit chaleureux et festif du casino plaît particulièrement aux danseurs français : avec le sourire et le rythme dans la peau, on échange facilement les partenaires et on partage des heures de danse. La salsa cubaine est ainsi devenue un véritable trait d’union social, invitant chacun à vivre ensemble l’énergie de cette danse joyeuse.